Il était 1H15 du matin, sur le vol Paris-St Denis de la Réunion où je me rendais pour donner une formation hospitalière. Je venais enfin de m’assoupir, dans une position de Maître Yogi, lorsque je sentis qu’une main légère me tapotait l’épaule tandis qu’une douce voix féminine me susurrait à l’oreille : «  Docteur… Docteur… »

Après avoir savouré quelques instants ce moment fantasmatique, je soulevais péniblement une paupière pour découvrir une charmante hôtesse de l’air me demandant si j’étais bien médecin parce qu’on avait besoin de mes services auprès d’une passagère tombée en syncope quelques rangs devant moi.

Je jetai un regard sombre à mon voisin de siège, un délateur à qui j’avais eu la faiblesse d’indiquer ma profession, et suivis la jeune femme.

N’ayant malheureusement pas pensé à emporter en voyage ma mallette d’urgence, je quémandai un tensiomètre. On m’en apporta un, flambant neuf et dernier cri, encore tout emballé et fleurant bon le velcro neuf. Quelques minutes plus tard, le temps de remonter le bidule et d’en comprendre le mode d’emploi, j’annonçai aux dames en bleu qu’il s’agissait, selon moi et avec les réserves que cela suppose, d’une hypotension orthostatique. Diagnostic d’autant plus facile que l’évanouie venait de reprendre conscience en m’indiquant avoir bêtement oublié ses bas de contention à son domicile alors qu’elle souffrait d’insuffisance veineuse.

A l’aide d’une hôtesse promue infirmière, j’installai ma patiente occasionnelle à même le sol, sur des couvertures, les jambes en l’air mais à l’abri du regard indiscret de quelques voyageurs noctambules. Quelques minutes plus tard, et sans autre intervention de ma part, la dame avait retrouvé simultanément des couleurs et ses esprits. En regagnant mon siège, sous l’œil humide et le sourire reconnaissant des autres passagers trop heureux d’avoir échappé, grâce à moi, à une modification du plan de vol, je savourais ma chance d’avoir eu, au moins une fois dans ma longue carrière, l’opportunité de répondre positivement à la question de légende : « Y a-t-il un médecin dans l’avion ? ».

L’hypotension orthostatique correspond à une chute brutale de la pression artérielle lorsqu’on se met debout, ce qui peut perturber temporairement l’arrivée du sang dans le cerveau et provoquer des vertiges, voire des pertes brèves de connaissance, souvent responsables de chutes dont la fréquence augmente avec l’âge.

L’insuffisance circulatoire, et son corollaire, la stase veineuse, en constitue l’une des causes principales. Or la marche, par la contraction rythmique des mollets et l’écrasement alterné des plantes des pieds, refoule le sang vers le haut et entretient la circulation dans la tuyauterie. A contrario, l’immobilisation prolongée, en position assise, comme lors d’un long voyage en train, en car, en voiture, et singulièrement en avion pour de sombres raisons de taux faible d’humidité et d’oxygène auxquelles s’ajoute la diminution de la pression atmosphérique en altitude, expose à un risque de phlébite et parfois d’embolie pulmonaire de survenue brutale, avant même l’arrivée à destination… !

Certaines précautions peuvent s’avérer salvatrices comme d’opter pour un pantalon ample, sans ceinture, en évitant les tenues serrées, les jeans slims, les leggings ultra-moulants ou les bottes qui feront garrot et gêneront le retour veineux. Pour le même motif, il vaut mieux perdre, au moins le temps du voyage, la regrettable habitude de croiser les jambes.

Ne pas hésiter à boire beaucoup d’eau, de préférence plate, et surtout penser à bouger autant que possible, au minimum avec des mouvements de flexion/extension des chevilles et, de préférence, en déambulant régulièrement dans le couloir central de l’engin de transport. En voiture, la pause s’impose, au moins toutes les deux heures…

Bien sûr, le port de bas de contention reste la meilleure aide thérapeutique. Ils sont élastiques, ce qui leur permet de récupérer la pression artérielle à chaque pulsation cardiaque et de la reporter sur la paroi des veines pour faire remonter le sang vers le haut du corps.

Certaines thérapeutiques naturelles ont fait la preuve de leur efficacité, n’en déplaise à certains pseudo-experts à la solde des laboratoires pharmaceutiques et pataugeant sans vergogne dans les conflits d’intérêt.

Citons d’abord les médicaments homéopathiques dont Hamamelis et Pulsatilla sont les plus fréquemment utilisés, en alternant 3 granules en 9 CH toutes les deux heures pendant toute la durée du trajet. D’autres médicaments peuvent leur être éventuellement associés (Zincum metallicum, Lachesis mutus, Aesculus hippocastanum, Arnica montana, Carbo vegetalis, etc.). 

La phytothérapie présente un grand intérêt avec en tête de gondole le marron d’Inde, la vigne rouge, le pin maritime ou le mélilot, à prendre la veille, le jour et le lendemain du voyage

Plusieurs huiles essentielles ont un intérêt par voie externe comme le cèdre, menthe poivrée, le cyprès, le genévrier, l’hélichryse italienne, le vétiver ou encore le santal blanc. L’application se fera en massage, toujours du bas vers le haut, le plus tôt possible après l’arrivée, en ayant pris soin de pratiquer au préalable une douche écossaise sur les membres inférieurs.

Enfin, un dernier conseil de prudence : en cas d’antécédent phlébologique familial ou personnel, ou de facteur de risque surajouté, il convient d’être raisonnable et de consulter un médecin avant de partir. Celui-ci pourra réaliser certains examens complémentaires et, si nécessaire, faire injecter une petite dose d’héparine avant le décollage…

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