barquette15 heures. Une petite station des Alpes du Sud. Appuyé au balcon d’un appartement haut perché, je profite des derniers rayons du soleil d’hiver. En bas, dans la pénombre qui recouvre déjà l’ensemble du village, j’observe l’arrivée d’une « barquette », sorte de brancard sur patins véhiculé par deux pisteurs secouristes, ramenant au pied des pistes un skieur blessé.

Je ne suis pas surpris. La fatigue d’une journée de sport chez des gens peu entraînés, le durcissement des muscles et l’émoussement des réflexes font de la fin d’après-midi une heure de pointe pour les accidents. Le carillon de l’horloge de la place semble sonner les trois coups du ballet de l’unique ambulance locale.

Son équipage, prévenu par téléphone, est d’habitude en bas des pistes avant même l’arrivée du blessé. Mais cette fois, les ambulanciers, retenus par une autre intervention, débarquent avec près de ¾ d’heure de retard. Je plains l’infortuné traumatisé qui semble se geler au fond de sa civière, toutes ses tentatives d’évasion étant instantanément annihilées par un rappel à l’ordre des secouristes.

Enfin arrive le véhicule sanitaire estampillé « URGENCE» sur la carrosserie

Alors, sous mes yeux effarés, l’accidenté s’extraie de son sarcophage, marche sans difficulté apparente jusqu’à l’ambulance, s’installe à l’avant à côté du conducteur et le véhicule parcourt, gyrophare allumé, une soixantaine de mètres jusqu’au cabinet médical !!

Aussitôt, de multiples questions viennent se bousculer au portillon de mon esprit cartésien : Pourquoi un tel manège ? Pourquoi contraindre un blessé à la congélation en « barquette » ? Pourquoi transporter sur quelques mètres une personne valide à la marche ? Pourquoi utiliser pour cela une ambulance brancardée avec un équipage de 2 personnes ? Et surtout qui paye ?

Toutes les réponses m’ont été apportées le soir même par le concierge de l’immeuble, pompier volontaire à ses heures et tiennent en deux mots : « Loi Montagne »…  Cette loi a été votée en 1995, à la demande, apparemment légitime, des élus montagnards inquiets du désengagement de la Sécu vis-à-vis des accidents de ski et de l’obligation ancestrale de gratuité des secours en montagne. Elle permet aux Maires des stations de ski, par dérogation, de se retourner financièrement contre les victimes d’accident sportif sur les pistes domaniales.

 Tout s’est éclairci…

J’avais donc été le témoin privilégié de la perversion de cette loi consistant à imposer systématiquement le grand jeu, du style « Mondial Assistance » à  toute victime d‘un accident de ski …même si, en l’occurrence, le blessé aurait pu et apparemment voulu, se débrouiller tout seul.

Tout le monde croque dans cette galette des rois payée par l’accidenté ou son assureur, mais, à chaque fois, c’est la Municipalité qui gagne la fève ! On comprend mieux l’insistance du personnel municipal, chargé de la vente des forfaits, à nous faire prendre l’indispensable assurance complémentaire…

 

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