Incroyable ! En l’an 2005 après JC, l’homo sapiens savait déjà anticiper les pandémies. A cette époque, si proche et pourtant si lointaine, on était capable d’organiser des campagnes de prévention, d’expliquer les gestes barrière dans des formations grand public, de stocker des centaines de millions de masques et même d’harmoniser au niveau mondial la recherche d’un antiviral efficace. Je devine votre stupéfaction à la lecture de ces lignes mais je vous confirme la véracité de mes propos. Je le sais, j’y ai participé en tant que médecin formateur. Il aura suffi que sur le continent asiatique soit découvert un virus aviaire portant le beau nom de H5N1, pour que l’OMS, inquiet d’une hypothétique contamination humaine, déclenche l’alarme internationale. On craignait alors une pandémie si effroyable qu’elle relèguerait la grippe espagnole et ses 50 millions de morts au rang de simple infection saisonnière. Je me rappelle avoir sillonné les routes de mon département pour délivrer aux professionnels de santé libéraux à la fois des masques et la bonne parole. Nous étions prêts… et nous n’avons pas eu de pandémie.

Cinq ans plus tard, rebelote. Cette fois l’agresseur potentiel s’immatricule H1N1 et provoque la grippe A de sinistre mémoire. Aux commandes du Ministère de la Santé, une certaine Madame Bachelot, ancienne pharmacienne et présentement membre du gouvernement Fillon. Notre Roselyne nationale avait probablement été marquée par les scandales sanitaires ayant accablé ses prédécesseurs, en particulier le drame de l’hormone de croissance et l’affaire du sang contaminé, à l’origine respectivement de la maladie de Creutzfeldt-Jakob d’une part, et du syndrome d’immunodépression ou d’hépatites virales, d’autre part. Bien qu’on nous ait expliqué à cette occasion qu’un ministre pouvait éventuellement être responsable mais jamais coupable, les parapluies s’ouvrirent rapidement du côté de l’avenue Duquesne. Ainsi le stock de masques disponibles fut porté à 1 milliard et 700 millions, auxquels s’ajoutèrent des hectolitres de soluté hydro-alcoolique et pas moins de 95 millions de doses de vaccin antigrippal. Le tout pour une somme indéterminée mais oscillant probablement entre un et deux milliards d’euros. Devant ces chiffres astronomiques, les critiques ne furent pas longues à s’abattre, tel un orage de grêle, sur notre brave Ministre qui avait eu bien raison d’ouvrir très tôt son parapluie. Il faut bien reconnaitre que commander presque deux fois plus de vaccins qu’il n’y a d’habitants dans notre beau pays, alors qu’une seule dose suffisait à prévenir la virose, fut difficile à avaler pour le microcosme politique d’opposition qui n’eut pas de mot assez dur pour vilipender la gabegie du pouvoir en place et exiger une commission d’enquête. Roselyne parvint in extremis à décommander cinquante millions d’unités vaccinales faisant économiser 350 millions d’euros aux contribuables français. Il en resta bien assez puisque seulement un peu plus de 5 millions de compatriotes acceptèrent l’injection protectrice. Il faut souligner que si Madame Bachelot a su faire preuve d’anticipation dans l’éventualité d’une pandémie, elle a commis une énorme bévue en imposant des vaccins avec adjuvants à la majorité des citoyens et en réservant quelques milliers de doses non adjuvées pour les enfants et les femmes enceintes. La psychose provoquée par cette ségrégation fut amplifiée par les rumeurs, probablement fondées, de complications à type de syndrome de Guillain-Barré. Et le pompon fut arraché par Roselyne le jour où, pour rassurer les angoissés, elle se fit injecter le vaccin incriminé devant les caméras et les appareils photographiques dont les gros plans révélèrent qu’il s’agissait, en fait, d’une dose sans adjuvant. Le traumatisme psychologique agit encore aujourd’hui. Quoiqu’il en soit, nous étions prêts… et nous n’avons pas eu de pandémie.

Jamais deux sans trois, dit un proverbe. Ainsi après janvier 2005, puis janvier 2010, il y eut janvier 2020. Mais cette fois, nous avons eu la pandémie… et nous n’étions pas prêts ! Voilà un exemple des effets calamiteux de certaines querelles politiciennes. En effet, les mêmes qui avaient déploré l’ampleur de nos réserves en masques, les ont laissées se dégrader délibérément sans jamais les renouveler ou les reconstituer. Simplement parce qu’il s’agissait d’une décision émanant d’un adversaire politique. Encore une belle ânerie justifiant le A de l’ENA, cette Ecole Nationale dont sont issus la plupart de nos plus éminents technocrates. De près de 2 milliards de masques, nous sommes tombés à peine à une centaine de millions d’exemplaires. Certaines usines françaises, spécialisées dans la fabrication de ces produits d’hygiène et de protection sanitaire, faute de demande nationale, ont dû fermer leurs portes et licencier leurs salariés. Les commandes ont été effectuées avec un retard scandaleux auprès du seul fournisseur mondial, la Chine, qui en a profité pour jouer la surenchère et le détournement des produits. Tout cela au préjudice principalement de nos professionnels de santé libéraux lesquels, pendant trois mois, ont travaillé sans la moindre protection, y laissant souvent leur santé et parfois leur vie. Les hôpitaux, qui se sont vus amputés de 17.000 lits au cours des dix dernières années, ont été rapidement débordés et leurs personnels soignants épuisés. Les experts se sont livrés publiquement à un combat d’égos surdimensionnés, se balançant dans la figure, comme des tomates pourries, leurs conflits d’intérêts et leurs contrats démesurément juteux avec les firmes pharmaceutiques.

Mais les conséquences les plus dramatiques sont à venir. Elles porteront sur les aspects socio-économiques en lien avec le confinement. Certains ont perdu leur emploi, d’autres se sont précarisés. Or, il est clair que c’est le manque de masques et de tests de dépistage qui a imposé le confinement, comme il est évident que c’est leur arrivée en nombre suffisant qui a permis le déconfinement. Cela implique que les responsables de la fonte des stocks de masques constitués en 2010 sont aujourd’hui les principaux coupables des dégâts de la pandémie à Coronavirus.

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