Dans le hit-parade des tâches administratives plombant l’exercice médical figure en bonne place le certificat. Il nous a été imposé, il y a déjà longtemps, par des technocrates dotés, une fois n’est pas coutume, d’une imagination débordante. En effet, l’attestation du médecin trouve sa place à peu près dans toutes les situations de la vie courante, même les plus improbables. Entre le certificat de naissance et le certificat de décès qui bornent l’existence humaine, se succèdent ainsi les certificats de vaccination, d’admission en crèche, d’éviction scolaire, de bonne santé, de maladie, de non-contagiosité, d’arrêt de travail, de reprise du travail, d’aptitude, d’inaptitude, et tant d’autres à l’utilité parfois douteuse.

Heureusement, certains de ces « certifalacons », comme nous les surnommons affectueusement entre médecins, ont été jugés superflus et furent finalement sacrifiés sur l’autel du pragmatisme sanitaire. Ce fut le cas notamment du certificat prénuptial devenu obsolète car trop souvent précédé d’un ou plusieurs certificats de grossesse… De même le certificat d’aptitude aux activités physiques, exigé annuellement pour des jeunes en bonne santé avant de leur octroyer une licence ou un droit d’accès aux clubs périscolaires, a longtemps été considéré, par les médecins, sans autre intérêt que de fait rimer « rentrée scolaire » avec « manne financière ». D’autant que les visites se passaient le plus souvent le soir, pendant l’entrainement, dans des vestiaires surchauffés, avec des sportifs en sueur, temporairement tachycardes et passagèrement hypertendus. Heureusement, l’espacement récent à un intervalle de trois ans entre ces contrôles obligatoires nous a enlevé un sacré crampon du pied.

Par contre, s’il en est un dont l’utilité ne peut être contestée, c’est le certificat de non contre-indication aux activités physiques à partir d’un certain âge, surtout en cas de reprise sportive. La fréquence des accidents cardiaques et autres a incité progressivement toutes les fédérations sportives ou de loisirs à exiger le sésame médical avant d’accepter l’inscription des seniors. Y compris lorsque la pratique n’entraine pas particulièrement de transpiration ou d’essoufflement comme la pétanque ou le bridge en compétition.

C’est ainsi qu’un jour je vis arriver à mon cabinet un retraité de 68 ans, inconnu au bataillon de mes patients, venu me consulter en tant que médecin du sport. Ce brave monsieur ne voyait de médecin qu’à chaque Saint Glinglin, mais, ayant décidé de prendre une licence à la Fédération Française de Billard, on l’avait contraint à venir quérir l’indispensable passeport. Je me demandai in petto à quels risques était susceptible de l’exposer cette activité de prime abord dénuée de tout danger, à part évidemment de blesser un spectateur d’un coup de queue inconsidéré ou par la projection malencontreuse d’une boule. Perdu dans mes pensées, je lui passai machinalement le brassard du tensiomètre, car, quelles que soient les circonstances de l’examen, la prise de tension a toujours représenté aux yeux des patients, le service minimum rendu par le médecin. C’est alors qu’une anomalie transmise à mes oreilles par les embouts de mon stéthoscope me ramena brutalement à la réalité. Alors que la tension était normale, le rythme cardiaque m’apparut instantanément très lent. A peine 36 pulsations à la minute… Je m’empressai d’en faire la remarque au billardiste. Il me répondit, sur le ton de la rigolade, qu’il le savait déjà et qu’on l’avait même souvent félicité d’avoir un cœur de sportif. Il me cita d’autres exemples célèbres, comme par hasard des cyclistes professionnels, dont le palpitant battait au même rythme que le sien. Je lui demandai s’il avait fait beaucoup de sport dans sa vie. Il me rétorqua qu’en dehors du billard pratiqué de façon assez  intensive depuis quelques années, il n’avait jamais fait partie des forcenés de l’effort physique. Du coup, cette bradycardie, comme disent vulgairement les scientifiques, m’apparut très suspecte. Le sourire de mon visiteur s’effaça en même temps que le mien et son inquiétude grandit quand je lui proposai de s’allonger pour un électrocardiogramme. Cet examen me confirma rapidement ce que je craignais. J’étais en présence d’un bloc auriculo-ventriculaire complet, c’est-à-dire d’une interruption de l’onde électrique entre les oreillettes et les ventricules. Ceux-ci n’étant plus entrainés, battent spontanément à un rythme régulier de 35 par minute avec un risque majeur d’arrêt cardiaque pouvant survenir à tout moment. J’appelai le SAMU en tentant de rassurer le patient qui, bien sûr, n’avait pas prévu un tel contretemps. Peu après, un pacemaker permit d’éloigner tout risque fâcheux et l’opéré revint pour l’ablation des fils. Pas rancunier, il me remercia de l’avoir fait passer en urgence sur le… billard avant même de le déclarer apte.

Cette anecdote, parfaitement authentique, illustre de façon caricaturale l’intérêt médical à effectuer une visite préalable à pratique sportive ou à la reprise d’activité. Lorsque celle-ci est encadrée, le club ou l’association l’exige sous peine de refuser l’adhésion afin de ne pas engager sa responsabilité personnelle en cas de pépin. Les textes fixent la périodicité et le contenu de la consultation médicale, avec ou sans électrocardiogramme, en fonction de l’âge, des antécédents, des pathologies associées et du type d’activité effectuée. On conseillera dans certains cas de réaliser une épreuve d’effort lors d’une reprise après une longue interruption et systématiquement tous les 3 ans en cas d’affection chronique cardiaque ou métabolique comme le diabète ou l’hyperLDLcholestérolémie. Ce test pourra se faire sur vélo ou tapis roulant selon la préférence de chacun.

Mais là ou le risque est réel, c’est dans le cas d’une pratique individuelle sans encadrement. Cela concerne essentiellement le cyclotourisme, incluant le vélo d’appartement, la natation et le jogging. Ces activités, tout-à-fait bénéfiques en elles-mêmes, doivent cependant être pratiquées avec prudence, sur des périodes maximales de 30 minutes par jour, ou bien 1 heure tous les deux jours ou encore 1H30 deux fois par semaine, sans dépasser sa propre fréquence cardiaque maximale. Celle-ci se calcule très simplement par la méthode dite d’Astrand en retranchant son âge à 220. Par exemple à 67 ans, on restera en deçà de 153 pls/mn et on fera une pause en cas de dépassement de cette limite.

Et n’oubliez pas que s’il faut faire du sport pour être en forme et le rester, il faut être en forme pour faire du sport… sans y rester.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.