avion air france

A la demande unanime de Guillaume et Nicolas, mes neveux et petits fils d’aviateur, je reprends l’écriture de mes AOC (Anecdotes Originales Certifiées) avec cette semaine, comme clin d’œil spécialement pour eux,  une histoire de jambes en l’air…

Il était 1H15 du matin, sur le vol Paris-St Denis de la Réunion où je me rendais pour animer une formation hospitalière. Je venais enfin de m’assoupir, dans une position digne d’un Maître Yogi, lorsque je sentis qu’une main légère me tapotait l’épaule tandis qu’une douce voix féminine me susurrait à l’oreille :

– Docteur… Docteur…

Après avoir savouré quelques instants ce moment fantasmatique, je soulevais péniblement une paupière pour découvrir une charmante hôtesse de l’air me demandant si j’étais bien médecin parce qu’on avait besoin de mes services auprès d’une passagère tombée en syncope quelques rangs devant moi.

Je jetai un regard sombre à mon voisin de siège, un délateur à qui j’avais eu la faiblesse d’indiquer ma profession, et suivis la jeune femme.

N’ayant malheureusement pas pensé à emporter en voyage ma mallette d’urgence, je quémandai un tensiomètre. On m’en apporta un, flambant neuf et dernier cri, encore tout emballé et fleurant bon le velcro neuf. Quelques minutes plus tard, le temps de remonter le bidule et d’en comprendre le mode d’emploi, j’annonçai aux dames en bleu qu’il s’agissait, selon moi et avec les réserves que cela suppose, d’une hypotension orthostatique. Diagnostic d’autant plus facile que l’évanouie venait de reprendre ses esprits en m’indiquant avoir bêtement oublié ses bas de contention à son domicile alors qu’elle souffrait d’insuffisance veineuse.

A l’aide d’une hôtesse promue infirmière, j’installai ma patiente occasionnelle à même le sol, sur des couvertures, les jambes en l’air mais à l’abri du regard indiscret des autres voyageurs qui tentaient de ne pas manquer une miette de ce spectacle inopiné.

Alors que je m’apprêtai à rejoindre ma place avec ce sentiment d’intense satisfaction qu’éprouve tout généraliste rentrant de sa tournée, la cheffe me retint par le bras, une coupe de champagne à la main, en m’informant que ma consultation était cotée 80 euros dans la nomenclature des actes médicaux aériens. Je lui fis part de mon étonnement devant cette générosité à laquelle plusieurs générations de Ministres de la Santé ne m’avaient guère habitué. Elle m’expliqua alors que les tarifs n’étaient pas proportionnels à l’altitude mais s’alignaient simplement sur ceux des médecins européens, lesquels n’auraient jamais accepté une rémunération à la française.

Plutôt qu’un avoir sur un hypothétique vol ultérieur, j’optai pour un cadeau à choisir sur un catalogue. Je me décidai rapidement pour une montre Air France étiquetée à 79 euros, en rajoutant une petite boite de bonbons à la réglisse pour 1 euro afin de faire un compte rond, la Compagnie ne rendant pas la monnaie.

En regagnant mon siège, sous l’œil humide et le sourire reconnaissant des autres passagers, trop heureux d’avoir échappé grâce à moi à une modification du plan de vol, je savourais ma chance d’avoir eu, au moins une fois dans ma longue carrière, l’opportunité de répondre positivement à la question de légende : « Y a-t-il un médecin dans l’avion ? »

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