On peut noter, dans les campagnes reculées, une certaine similitude entre le rôle du généraliste, affectueusement qualifié de médecin de famille, et celui du facteur, cet admirable préposé d’une administration que le monde entier nous envie, à savoir La Poste. En effet, tous deux font barrière à la distanciation sociale, assurent leur tournée qu’il vente ou qu’il neige, apportent les bonnes et les mauvaises nouvelles, effectuent les menues réparations du genre réglage des chaînes TV, aident au remplissage de formulaires souvent incompréhensibles pour le commun des mortels et ont l’obligation formelle, avant de repartir, de sacrifier au rite redoutable du verre de gnole artisanale à la santé de leurs hôtes.

Mais il existe un autre point commun dont on parle peu et qui pimente désagréablement leur exercice professionnel lorsqu’ils pénètrent dans une propriété : l’aversion indéniable qu’ils inspirent, l’un comme l’autre, à la plupart des chiens, que ceux-ci soient  de garde ou simplement de compagnie. Bien sûr, avec le temps, l’animal s’habitue et finit par se familiariser avec l’intrus. Mais le premier contact se révèle parfois difficile et pour parer à toute attaque, j’avais établi un protocole de sécurité, fruit d’une longue observation et de quelques accidents du travail, non reconnus comme tels, à type de morsures plus ou moins profondes.

J’avais ainsi noté que la dangerosité de l’animal était, comme son immoralité, inversement proportionnelle à sa taille. Ainsi les grands fauves attaquaient de face alors que les petits roquets me laissaient sournoisement passer devant eux avant de me planter leurs petites canines aiguës dans le bien nommé talon d’Achille. Cependant, le plus blessant restait le comportement en général jubilatoire du propriétaire, lequel me gratifiait de façon aléatoire du rassurant « il n’a jamais mordu personne jusqu’à présent », du pervers « quand il aura fini de vous renifler, il vous fichera la paix », du complice « il est comme moi, il gueule beaucoup mais ne fait de mal à personne » ou encore du prévenant « surtout ne lui montrez pas que vous avez peur… ».

Par une belle journée ensoleillée du mois de juin, je me rendais pour la première fois au domicile d’un enfant fébrile et j’arrivais devant le portillon d’un charmant pavillon de banlieue comme il en existe des centaines à la périphérie de nos villes. Je m’infiltrais prudemment dans le jardin, adoptant spontanément ma position d’autodéfense favorite, genoux semi-fléchis et mallette tendue devant moi à bout de bras afin de protéger mes organes reproducteurs. La porte d’entrée s’ouvrit sur la propriétaire des lieux, accompagnée d’un canidé de belle taille, modèle apparemment hybride d’une marque indéterminée, qui se mit à me flairer l’intimité, histoire de vérifier que je n’y cachais pas d’arme.

Je contournais la bête en empiétant largement sur le gazon tout en évitant habilement de lui tourner le dos, tandis que sa maîtresse, sarcastique, me lançait « il ne doit plus avoir faim, il vient de finir sa gamelle ».

Et c’est alors que l’attaque se produisit… Précisément là où je ne l’attendais pas ! Non pas de la part du chien qui commençait manifestement à m’adopter, mais d’un insecte volant, très vraisemblablement un hyménoptère du genre « vespula » plus communément appelé guêpe, qui avait lâchement profité que toute mon attention soit portée sur le gardien des lieux pour pénétrer par le bas de mon pantalon. Le chatouillement de ses ailes m’indiqua qu’elle cherchait à sortir de la situation par le haut, comme disent les syndicalistes. Ayant été définitivement marqué, à l’âge de cinq ans, par un séjour en soins intensifs après avoir malencontreusement tenté de récupérer mon ballon dans un nid de ces porteuses de dards, je sentis mon angoisse monter en même temps que la piqueuse le long de ma jambe. J’ouvris alors ma ceinture et, devant le regard stupéfait de la dame, je descendis mon pantalon sur les genoux au moment précis où je ressentis une douleur cuisante à la face interne de ma cuisse. Délivrée… Libérée… La guêpe s’envola dans un vrombissement irrité, ce qui rendit immédiatement mon comportement beaucoup plus cohérent pour la maîtresse de maison que mon vain bafouillage explicatif. Pour une fois, devant l’intensification rapide du gonflement et de la rougeur, je décidai de m’appliquer les premiers soins à moi-même avant d’aller les donner à l’enfant malade…

Que faire en cas de piqûre de guêpe ? En préambule, je tiens à préciser que les méthodes naturelles que je cite ici ne s’adressent pas aux personnes identifiées comme allergiques pour lesquelles la corticothérapie et parfois même l’adrénaline s’imposent et nécessitent d’en avoir toujours chez soi et sur soi. J’ajoute que la désensibilisation donne souvent d’excellents résultats par la diminution, voire la suppression, des réactions d’hypersensibilité, bien qu’il puisse s’avérer parfois préférable de la pratiquer en milieu hospitalier.

En priorité, on détruira le venin par la chaleur en approchant le bout incandescent d’une cigarette, d’un allume-cigare ou la flamme d’un briquet suffisamment près, sans se brûler, pendant quelques secondes. Dès que possible, on appliquera du vinaigre pur, pour son acidité neutralisante, en arrosant largement une compresse ou un essuie-tout. Si on dispose d’un oignon, on bénéficiera de son effet anti-inflammatoire en frottant légèrement une tranche sur la zone de piqure.

Passées les premières minutes, on n’oubliera pas de désinfecter la blessure avec du savon de Marseille et de l’eau tiède sur un coton propre, car on ignore où l’insecte a laissé trainer son dard. Pour la douleur, on pensera à la lavande, idéalement en huile essentielle ou, à défaut, avec de l’eau de Cologne à la lavande qui, en plus, a un effet désinfectant. Enfin, si on a la chance de disposer encore de quelques médicaments homéopathiques à la maison, on fera appel à APIS MELLIFICA 5 CH, 4 granules tous les ¼ d’heure puis toutes les heures jusqu’à nette amélioration de la douleur et de l’inflammation. On pourra y associer, si l’intensité des symptômes le nécessite, LEDUM PALUSTRE 5 CH, 4 grains toutes les heures.

Quant aux morsures de chien, elles imposent la plupart du temps une double consultation : celle de la victime auprès d’un médecin qui évaluera la gravité des lésions et celle de l’animal par un vétérinaire qui établira un bilan comportemental et vérifiera la vaccination antirabique, même si l’on considère le risque de rage comme écarté dans notre pays depuis 2001. En attendant, on conseillera un bon nettoyage de la plaie à l’eau tiède et au savon avant d’emballer dans une compresse imbibée d’un liquide désinfectant.

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