La consultation s’achève. Le patient range sa carte Vitale, enfile son pardessus, salue son médecin et se dirige vers la sortie du bureau. A cet instant, il prend son courage à deux mains et, d’une seule, la poignée de la porte. Au moment de l’abaisser, il arrête son geste et, sans la lâcher, déclare d’un ton badin : « Ah Docteur… Au fait… J’ai failli oublier de vous en parler… ». Avant de révéler, d’une voix mal assurée, ce qui constituait en fait le véritable objet de sa visite.

Dans notre jargon médical, on appelle cela « le symptôme de la clenche », du nom du système d’ouverture de la porte. Celui que l’on appelle aussi une béquille. Peut-être parce qu’il facilite le verrouillage de l’articulation. Ou encore parce qu’on s’appuie dessus pour enclencher le premier pas. Et déclencher la confidence… Ce signe clinique avoué à l’ultime seconde alors qu’il est resté secret tout au long de la consultation. Celui qu’on exprime enfin, les doigts sur le pommeau, dans l’embrasure d’une ouverture devenue, selon la circonstance, sortie de secours ou voie sans issue. Au-delà de cette limite, plus de salut. Et le retour chez soi en ruminant ses regrets, voire ses remords, et en se traitant de lâche. Avant de recevoir les réprimandes conjugales devant cette lamentable preuve de couardise.

Il faut préciser que ce symptôme affecte préférentiellement les hommes. D’abord, parce qu’ils sont moins à l’aise pour les confessions délicates que leurs homologues de sexe féminin, rompues aux codes du colloque singulier de la consultation par une fréquentation plus habituelle des cabinets médicaux. Dans lesquels d’ailleurs, elles font généralement preuve d’une franchise et d’une honnêteté déconcertantes.

D’autre part, car l’instinct de virilité est inscrit dans les gènes masculins depuis la nuit des temps, tout comme dans ceux des autres animaux mâles, notamment dans la classe des mammifères et singulièrement chez les primates. Dont certains de nos congénères tendent, par leur comportement, à se rapprocher dangereusement. Ce qui fit dire à Pierre-Jean Vaillard que « l’homme descend du singe mais certains en descendent plus vite que d’autres ».

Donc, tout-le-monde l’aura compris, le symptôme en question porte couramment l’étiquette scientifiquement solidaire d’impuissance érectile. Et la méthode utilisée par ceux qui en souffrent, pour dévoiler ce lourd secret à leur bienaimé thérapeute, prend parfois des connotations un tantinet pathétiques. Certains se plient en deux mimant l’effondrement de leur sacrosaint organe. D’autres marmonnent leur malheur en fixant désespérément leurs chaussures comme s’ils venaient de remarquer que, par inadvertance, ils avaient gardé leurs charentaises aux pieds. Quelques-uns utilisent un langage aussi imagé qu’un message de Radio-Londres, tel que, par exemple, « Popaul est aux abonnés absents » ou bien « le séquoia s’est transformé en saule pleureur » ou encore « le service trois pièces n’en compte plus que deux ». Je répète… Les Français parlent aux médecins… Certains enfin font une fine allusion à la chanson de Brassens en divulguant que, maintenant, quand ils pensent à Fernande, c’est comme s’ils songeaient à Lulu.

Une fois franchie cette étape du difficile aveu, que faire ? D’abord dédramatiser ! Les conséquences psychiques du mal sont souvent pires que le mal lui-même. Un peu comme le confinement en période pandémique… Le praticien de santé fera un bilan initial sur le plan physique, psychologique et biologique afin de cerner l’éventuelle étiologie du problème. Une fois éliminée une cause pathologique imposant une prise en charge spécifique, vient l’heure du remède. Évidemment, les plus pressés s’orienteront d’emblée vers les célèbres petites pilules bleues, de forme originalement losangique et portant le doux patronyme de sildénafil. Un produit d’abord commercialisé dans l’angine de poitrine. Puis élevé au rang de médicament miraculeux après que certains patients perspicaces aient constaté qu’il ne dilatait pas uniquement les artères du cœur. Ce qui le fit passer très vite du marché obstrué de la pathologie coronaire à celui, plus juteux, de la panne des sens. Certainement le traitement le plus vendu au monde. Et donc probablement le plus contrefait. Méfiance, tout particulièrement sur Internet !

D’autres solutions plus naturelles permettent aussi de relever… le défi. En réalité, tout ce qui est bon pour le système nerveux et pour l’appareil cardiovasculaire est susceptible d’atténuer ce symptôme embarrassant. À commencer, comme toujours, par une bonne hygiène de vie, avec une alimentation saine et une activité physique régulière. Pour cela, les lecteurs intéressés pourront utilement se reporter à l’article sur les « Dix commandements anti-âge », paru dans la présente revue (préciser les références ?). On évitera les toxiques tels le tabac ou l’alcool, l’abus des excitants comme la caféine, l’usage de certains médicaments tels que les bétabloquants ou les diurétiques. On introduira par contre dans ses habitudes certains aliments réputés favorables voire aphrodisiaques parmi lesquels on citera évidemment le ginseng, le gingembre ou le « bois bandé » mais aussi la betterave rouge, l’ail, l’oignon, la grenade, le cacao, le clou de girofle, le curcuma, la noix de muscade ou le safran.

Dans le registre des compléments nutritionnels, on ne négligera pas la supplémentation en zinc (10 à 15 milligrammes par jour) et en vitamine D (1 000 à 2000 unités internationales quotidiennes en fonction de l’âge et de l’ensoleillement), ce qui permettra de renforcer non seulement l’objet du délit, mais parallèlement les défenses immunitaires, mesure indispensable en cette période infectieuse. On fera également quelques cures d’arginine, un acide aminé essentiel en la matière. On n’oubliera pas non plus l’intérêt de la photothérapie, de l’acupuncture, de l’aromathérapie et de la pratique d’activités relaxantes, pour contrecarrer les effets néfastes des mesures restrictives de liberté imposées par la situation sanitaire. Et surtout, on n’hésitera pas à vaincre ses inhibitions pour en parler à son médecin dès le début du symptôme… et de la consultation.     

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